Jean-Christophe Tixier a 49 ans et habite à Pau dans le Sud-ouest de la France.

 

A l’âge de 11/12 ans, il n’avait aucune envie d’être écrivain. Il lisait des livres de la Bibliothèque rose, des livres de Jules Verne. Son premier grand souvenir de lecture est Voyage au centre de la terre. Il n’avait personne dans son entourage qui était dans le monde de la littérature. Il voulait être jardinier astronome. Jardinier, car pour lui, donner vie à une graine, c’est merveilleux. D’ailleurs, le Printemps est sa saison préférée. Et astronome, car il trouve la Terre toute petite. A l’école, il n’était pas très bon en rédaction, car il croyait qu’il n’avait pas d’imagination.

 

Il n’a pas choisi d’être écrivain. Il a commencé à écrire il y a une dizaine d’années. Un jour, il a voulu raconter une histoire familiale, pour la faire connaître et partager à toutes les personnes de sa famille. Ça a été lu par son entourage, et ça a plu ! Ses proches lui ont conseillé de la publier. Il les a écoutés et ça a marché !

 

Son premier roman est donc une nouvelle La Rosalie. Il y raconte l’histoire de ses grands parents maternels. Son grand-père tenait un commerce. Il avait acheté une voiture appelée Rosalie (nom de la voiture chez Citroën). En 1939, il est mobilisé pour la seconde guerre mondiale. L’endroit où il habite avec sa famille est bombardé. Il dit alors à sa femme : « pars, fuis, emmène nos 3 filles  avec la voiture». Mais la grand-mère ne sait pas conduire. Le grand-père lui apprend alors la conduite en une journée, et afin qu’elle se souvienne de tout, il attache des étiquettes de partout dans la Rosalie. Elle part avec la voiture, ses 3 filles, sans savoir où aller et enceinte. Elle a un accident, de nombreuses pannes avec la voiture, est mitraillée par les avions allemands et finit par accoucher au bord de la route, en mai 1940, de jumelles... A l’époque, quand un militaire avait 5 enfants, il était démobilisé, et pouvait rentrer à la maison pour s’occuper de ses enfants. Le grand-père retrouve alors sa famille...

 

Il a pris du plaisir à écrire cette histoire pour sa famille. Il a continué à écrire ensuite pour le plaisir.

 

Il vit du métier d’écrivain depuis maintenant 6 ans. Avant il était professeur d’économie pour des étudiants de 18/20 ans. Pour les élèves du collège qui ont rencontré Séverine Vidal au primaire, il a commencé à être écrivain en même temps qu’elle. D’ailleurs, ils se connaissent bien, c’est un peu sa marraine dans le métier. « Il n’y a pas d’âge pour être auteur » dit-il, « ça vient comme ça… ». « J’aime ce métier, mais c’est exigeant, il faut répondre à des attentes ».

 

Il a été publié dès son premier livre. Mais par la suite, certains de ses romans ont été publiés et d’autres non (une dizaine). D’ailleurs, mardi 15 mars, il a appris le refus de son éditeur pour un roman qu’il venait de lui envoyer. « C’est difficile d’avoir un refus, on est déçu. On a beaucoup donné, on s’investit et c’est frustrant » explique-t-il.

Pour la petite histoire, 10 minutes à perdre a d’abord été refusé par son éditeur principal Rageot. C’est pour cela qu’il est publié aux éditions Syros qui l’ont tout de suite accepté. C’est maintenant un de ses livres qui est le plus vendu et en compétition dans de nombreux prix jeunesse.

 

A ce jour, il a écrit 1 roman adulte (policier), 11 romans jeunesse (dont 3 policiers) + 2 romans jeunesse qui sortiront en 2017, une dizaine de nouvelles et 7 pièces de théâtre radiophoniques pour France Inter (qui ont été jouées à la radio). Il écrit actuellement un roman adulte et est scénariste sur 2 BD.

 

Parmi tous ses livres, quelques uns sont privilégiés. Son livre préféré est son premier La Rosalie, car il raconte l’histoire de sa grand-mère. Sa trilogie Les Initiés a une place à part car c’est le premier qui lui a permis de vivre de son métier d’écrivain. Enfin, La traversée est une grande aventure humaine, avec beaucoup de rencontres très riches (les migrants de la jungle à Calais).

 

 

L’écriture d’un roman :

 

Dans sa tête, il a une histoire. Il connaît les personnages, les lieux, la trame. Ce qu’il veut, c’est transcrire l’histoire de sa tête à la tête des lecteurs. Par le biais des 26 lettres de l’alphabet, il veut réussir à créer des émotions, des images. Réussir à transmettre des sentiments à travers un code et des combinaisons de lettres est quelque chose de très important pour lui. Au cinéma, les images sont déjà créées, avec le livre, c’est nous qui les créons. Chaque cerveau est unique, et crée ses propres images.

 

Il n’a pas peur de la page blanche. Mais cela lui arrive d’être bloqué par le « codage » : quel mot pour quelle idée. Il n’est jamais à cours d’idées, et pour cela a une technique bien à lui. « Réfléchir ce n’est pas attendre, il faut se questionner ». Il faut utiliser la méthode du QQOQCP (Qui, Quoi, Où, Quand, Comment, Pourquoi). Par exemple, un jour, alors qu’il faisait son lacet avec une lumière derrière lui, il voit son ombre par terre. Là, naît une idée : « Et si elle me suivait depuis 40 ans, et qu’elle était habitée ? » C’est une simple idée. Pour la développer, il faut se questionner. Un autre exemple : il a peur. Mais de quoi a-t-il peur, de qui et pourquoi ? Il faut se questionner, et établir des listes de réponses. « Quand je n’ai plus d’idée, je me questionne, je fais des listes de réponses et je choisis des idées dans mes listes » explique simplement Jean Christophe Tixier.

 

Ses personnages vivent avec lui. Ils pensent à eux tout le temps ; ils sont stockés dans une partie de son cerveau. Et tout ce qu’il vit nourrit son imagination, et donc enrichit les personnages.

 

Pour enrichir son imagination, il s’ouvre énormément aux autres et au monde qui l’entoure. Il va beaucoup au cinéma, visiter et découvrir des expositions, adore rencontrer des gens. Son cerveau est rempli de toutes ses expériences personnelles. Il conseille de prendre l’habitude d’être curieux, d’observer.

 

L’écriture du roman se fait en plusieurs étapes :

 

- une idée, une envie pour commencer.

- Puis, pendant 4/5 mois, il réfléchit, se pose des questions. « De quoi ai-je besoin pour que cette histoire puisse exister ». Il fait des listes avec des réponses. Ensuite, il fait le tri et sélectionne. C’est la phase « brouillons ». Tout est noté sur des papiers, à la main, dans tous les sens. Il fait ensuite une synthèse avec des fiches de chaque personnage, chaque scène, chaque lieu…

- Dans la littérature jeunesse, il faut souvent éloigner les parents : il choisit comment les faire disparaître de l’histoire.

- Pendant 3 à 4 semaines, il écrit une première version à l’ordinateur, à partir des fiches.

- Il la fait lire à son entourage.

- Il reprend ensuite l’histoire mot à mot pour coder avec des mots précis ses idées, ses émotions, créer des images. Cela dure plusieurs mois. C’est la phase de relecture.

- Envoi à l’éditeur.

- Retour de l’éditeur avec de nouvelles corrections à faire.

- Entre l’idée de départ et la sortie du livre en librairie, il se passe entre 1 an et ½ et 2 ans.

 

 

La musique joue un rôle important dans l’écriture de ses textes. Dès qu’il a une idée, il choisit un morceau de musique qui correspond au rythme d’écriture qu’il veut; il a une musique précise par projet. Chaque morceau permet d’ouvrir une case dans son cerveau, et correspond à une histoire bien précise. Pour 10 minutes à perdre, il a écouté « Good Kid » de Kendrick Lamar en boucle. Il a du l’entendre environ 50 000 fois. Mais en fait, il n’écoute pas la chanson, c’est le rythme qui fait ressurgir des émotions, des sentiments. La musique est diffusée à faible volume, sinon il n’arrive pas à se concentrer. C’est une technique de travail. Ainsi, il peut travailler n’importe où. Ses écouteurs/MP3 sont son bureau. Il en a 3 paires pour être toujours sûr d’en avoir une qui fonctionne.

 

 

Il écrit seul, sauf pour ses BD. Il est amené à rencontrer d’autres personnes lors de ses recherches documentaires pour les romans, ou pour des relectures.

 

Il a du mal à rester sans écrire. Même quand il part en vacances, son cerveau est toujours en mode écriture. Il peut écrire partout : dans les transports (par exemple l’avion) lors de ses déplacements, à l’hôtel, chez lui… Même à la bibliothèque de la Prairie, entre 2 rencontres avec les classes de 6ème du collège les Balmettes !

 

Les rencontres avec ses lecteurs lui donnent de l’énergie. Quand il écrit chez lui, il est tout seul, et parfois pris de doutes. Il repense alors aux rencontres avec les lecteurs, aux étoiles dans les yeux… Les rencontres, que ce soit avec des jeunes des écoles ou des immigrés de la jungle de Calais (pour son livre La Traversée) sont des richesses extraordinaires.

 

 

La lecture d’une histoire :

 

« Lire des histoires aux autres est important. Même quand un enfant sait lire, il faut continuer à lui lire des histoires. Le plaisir de la lecture reste aussi dans l’écoute d’une histoire ». D’ailleurs Jean-Christophe Tixier lit à voix haute dans sa tête. Sa lecture est plus lente, mais cela lui permet d’entendre les sons, les mots, de visionner les images.

Il lit beaucoup, mais pas que de la littérature jeunesse. Il a toujours un livre sur lui. Plus jeune, il a lu des comics, mais avoue n’avoir jamais lu de manga. Il n’a jamais réussi à accrocher. Cela fait parti de ses bonnes résolutions, réussir à entrer dans ces BD particulières.

 

 

Le polar :

 

C’est un genre qu’il aime bien. Mais seuls 4 de ses romans sont des romans policiers. Peut-être lui a t-on collé cette étiquette d’auteur de polar parce qu’il organise chaque année à Pau un festival sur ce thème.

 

 

Sur 10 minutes à perdre :

 

- Pourquoi ce titre 10 minutes à perdre, et pas 5 ou 2 minutes à perdre ? C’est une expression toute prête. C’est pour montrer que derrière cette expression toute simple, une grande aventure peut commencer. 10 minutes est un temps qui est un bon compromis, 2 minutes, ce n’est pas assez pour que Tim ait envie de commencer à décoller sa tapisserie, et 20 minutes est un temps trop long, Tim pourrait avoir envie d’en profiter pour faire autre chose.

- A quel personnage s’identifie-t-il ? A Tim parce que c’est le personnage principal. Mais quand il écrit, il est tous les personnages. S’identifier à un personnage en particulier est donc difficile.

- Comment a-t-il choisi le nom des personnages ? Il choisit le nom en fonction de l’âge de ses personnages. Par exemple, Tim a 14 ans, il est donc né en 2002. Il va sur Internet, consulte la liste des prénoms les plus choisis par les parents en 2002 et prend ceux qu’il aime.

- Comment est venue l’idée de départ de ce roman ? Jean-Christophe Tixier habite au dernier étage d’un immeuble, sous les toits. Un jour, il a beaucoup plu. L’eau s’est infiltrée et a coulé sur la tapisserie qui s’est décollée. Dessous, il y avait des inscriptions. C’était l’électricien qui avait noté le schéma d’installation de la prise. Pour son dernier roman, il est parti d’un poème de Jacques Prévert qui s’intitule Chasse à l’enfant. Il a été intrigué par ce poème, a voulu savoir pourquoi Prévert l’avait écrit. Il a découvert que c’était l’histoire vraie d’une prison pour enfants sur une île en Bretagne. Ces enfants s’étaient rebellés (parce que l’un des leurs avait presque été battu à mort) et 55 d’entre eux ont réussi à s’enfuir. Le directeur de la prison avait alors proposé 20 francs (très grosse somme à l’époque) à celui qui ramerait un enfant.

- L’illustration de la couverture : Ce n’est pas lui qui la choisit. Il ne choisit jamais l’illustration des couvertures de ses livres. C’est l’éditeur qui décide et qui choisit lui-même un illustrateur. Mais pour ce roman, il trouve que l’illustration correspond bien au contenu et à l’ambiance du livre. Elle lui plaît.

- Pourquoi des skateurs ? Il fallait trouver une activité que Tim puisse partager avec ses amis, une activité de son âge.

- Combien gagne-t-il par livre vendu : 10 minutes à perdre se vend 6.30 euros. Il touche 45 centimes par livre vendu. Ce n’est pas beaucoup, mais il faut tenir compte de toutes les personnes qui participent au livre : l’éditeur, l’illustrateur, l’imprimeur (papier, encre, machine d’impression), les transporteurs, les libraires… En moyenne, un auteur gagne 10% du prix du livre.

 

 

Ses passions : tout ce qui est nouveau : les expositions, les films, les livres, les rencontres avec les gens, les voyages… Tout ce qui lui permet de s’enrichir.