Accueil par Mme Liébeaux, principale du collège les Balmettes.

 

Présentation par M. Berthod de l’action culturelle « Lire sur la colline », organisée par la ville de Seynod.

 

 

 

François garde se présente : habitant Passy, il travaille au tribunal administratif de Grenoble, et écrit sur son temps libre. Ce n’est donc pas son activité principale.

 

 

 

 

 

Transcription de la rencontre entre François Garde et les classes de 3ème A et 3ème B du collège les Balmettes, accompagnées par leur professeur de français : Mme Guilhot

 

 

 

 

 

Pourquoi ce livre ?

 

Alors qu’il habite à Nouméa, en 1996, dans un journal local, il lit un petit article de 25 lignes sur Narcisse Pelletier. Le temps passe, il quitte Nouméa, et en 2006, alors qu'il est directeur général de la station de Courchevel, il y repense. C’est à cette époque qu’il écrit sur l’histoire de Narcisse Pelletier. Il envoie 10 exemplaires aux 10 plus grands éditeurs. Seul Gallimard lui répond favorablement. Une première sortie du livre a lieu en janvier 2012, avec un tirage à 3 000 exemplaires.

 

 

 

S’attendait-il à ce succès ?

 

Non. 150 000 exemplaires ont été vendus. Ça a été un grand succès autant au niveau des critiques qu’au niveau du public. La semaine qui a suivi la sortie du livre, toute la presse l’a contacté. Son livre est aujourd’hui traduit dans de nombreux pays. Malgré des demandes d’adaptation pour la TV et le cinéma français, rien n’a encore été fait. Mais en novembre 2015, le livre a été sélectionné pour participer à l’opération « Shoot The Book » à Hollywood. Les grandes maisons d’éditions sont invitées à présenter des œuvres choisies pour leur potentiel d’adaptation sur grand et petit écran, ainsi que sur d’autres formats digitaux. Ce qu’il advint du sauvage Blanc de François Garde fait parti des 10 titres retenus. Il ne compte pas sur le cinéma pour vivre. Il rappelle qu’il est d’abord juriste, écrivain est un plus.

 

 

 

Combien gagne-t-il par livre vendu ?

 

Livre en édition blanche : 21 euros

 

21 euros – 5.5% de TVA = 20 euros

 

20 euros – 30% qui vont au libraire = 14 euros

 

14 euros – 10% pour l’auteur = 12 euros

 

12 euros – 10% pour le transporteur = 11 euros

 

Il reste alors 11 euros pour l’éditeur qui prend tous les risques

 

François Garde précise qu’il n’écrit pas pour de l’argent. Il écrit ce qu’il a envie d’écrire.

 

 

 

Dans la vie, ressemble-t-il plus à Octave ou à Narcisse ?

 

Il ne ressemble pas du tout à Narcisse. Il n’est pas manuel. Dans la même situation que Narcisse, il meurt. Il ressemble à Octave. D’ailleurs précise-t-il, Octave est savoyard, comme lui. Si dans le livre il l’a fait habiter en Isère, c’est qu’entre le moment ou Octave part en 1860 et le moment où il rentre, la Savoie est devenue française. Il aurait été compliqué de le faire partir avec une nationalité et revenir avec une autre. D’où un Octave isérois.

 

 

 

Pourquoi avoir choisi l’alternance entre les lettres et les textes ?

 

Il n’a pas choisi. Il n’avait pas le choix pour raconter ce genre de récit. Le vrai sujet du livre n’est pas la vie de Narcisse Pelletier. C’est un conte philosophique. Ce qui l’intéresse, c’est la cassure dans sa vie et comment on peut oublier sa langue. Raconter jour par jour, ce n’était pas possible. Puisque ce qui l’intéresse c’est la bascule, il va raconter son retour à Sidney. Mais comment garder le lecteur, ne pas le faire décrocher ? Il crée alors un personnage secondaire, un géographe. Il se met dans sa tête pour voir Narcisse avec ses yeux. Il raconte Narcisse à la troisième personne. Mais comment faire ressentir ce que le riche voyageur géographe ressent avec les interrogations de son époque ? Il écrit avec Narcisse sur la plage, puis avec Octave et donc une lettre, il revient sur la plage avec Narcisse, introduit la vieille et se dit que l’alternance est un bon système. On ne sait officiellement que le personnage sur la plage est le personnage dont parle Octave qu’à la moitié du livre. Mais dès le départ on se rend compte que c’est la même personne de part la qualité de la construction. C’est ce dont il est fier.

 

 

 

Pourquoi avoir laisser en suspens la mission d’Octave pour retrouver les enfants de Narcisse ?

 

Ce n’est pas en suspens. Tant qu’Octave est vivant, cette recherche continue. Elle s’arrête parce qu’Octave meurt et que sa sœur arrête les recherches. Octave est fou, ces enfants ne sont pas les siens, et il les inscrit quand même à l’état civil. Et ses écrits scientifiques jamais retrouvés ? Octave est « frappé ».

 

 

 

Une suite ?

 

Non. Les personnages principaux n’existent plus : l’un est mort, l’autre a disparu. Le livre est fermé, il n’y a pas de suite possible. Lorsqu’un producteur français a voulu adapter le livre au cinéma, il a demandé à François Garde s’il voulait être co-scénariste ? Ce dernier a répondu non, car il avait déjà dit sur le livre tout ce qu’il avait envie de dire.

 

 

 

A-t-il envie de rencontrer Narcisse ?

 

Non, car il est bavard, et pas Narcisse. Il n'y a pas de discussion possible avec lui. Mais il aurait aimé rencontrer Octave, ils auraient échangé sur le Pacifique.

 

 

 

Pourquoi avoir utiliser l’oubli de la langue maternelle ?

 

C’est quelque chose de très fort. C’est oublier les mots, les relations sociales, sa culture. François Garde pense que ce n’est pas possible, et qu’il reste toujours une trace dans le cerveau.

 

 

 

Combien de manuscrit avant le final ?

 

Ça ne fonctionne pas en manuscrit. Il écrit en linéaire et fait des allers-retours. Tout est en mouvement en même temps. Il n’a pas voulu faire en sorte que les chapitres correspondent aux lettres. C’est tombé comme ça. Un chapitre contient même deux lettres qu’il a réunies en une seule. Il écrit à la main, rature et ne tape à l’ordinateur qu’au bout d’un certain temps, pour mettre au propre. Il re-rature de nouveau. Seul l’écrit final constitue un manuscrit, et ce sera celui la qui est envoyé à l’éditeur. Ensuite, s’ensuit un travail avec l’éditeur pour la reformulation, les incohérences. Puis vient le travail avec le typographe et l’imprimeur. Il y a aussi un travail au niveau des plans temporels. Le titre est au passé simple, c’est le temps du récit. Il est un fan du passé simple.

 

 

 

Le choix de la couverture

 

Il n’a pas choisi celle du grand format. C’est une fierté d’apparaître dans ce format chez cet éditeur, derrière un grand nom.

 

En revanche, quand il a reçu celle du format poche, il a dit « quelle horreur, je n’en veux pas, c’est un contresens complet ». Pour lui, rien ne renvoie au XIXème siècle, ni à Narcisse. Mais il n’a pas eu le choix. L’éditeur a dit « faites moi confiance », et François Garde a avoué qu’en librairie les ventes marchaient bien avec cette couverture. En Allemagne, c’est une autre illustration qui a été choisie : un tableau avec un petit personnage. C’est plus représentatif, mais moins pêchu au niveau marketing.

 

 

 

A-t-il lu le livre de Narcisse Pelletier ?

 

Non, car c’est un livre difficile à se procurer. Et puis heureusement, car s’il l’avait lu, il se serait trop documenté, et son livre aurait alors été un documentaire et non plus une fiction.

 

 

 

Des personnages réels ont-ils inspiré ceux de son livre ?

 

Non, pas pour les personnages. Mais pour les scènes de la vie, il s’est inspiré des milieux politiques qu’il connaît bien, et de leurs engrenages.

 

 

 

Qu’est-ce qui l’a poussé à écrire, à devenir écrivain ?

 

« C’est vaniteux » dit-il, « mais j’ai toujours su que je serai écrivain ». Il écrit depuis l’école primaire et a toujours eu envie d’écrire des romans. Il est triste pendant un an ou deux quand un de ses romans n’est pas accepté par un éditeur et reste dans un tiroir ; puis il arrive à repartir pour une nouvelle écriture.

 

 

 

Y a-t-il une hiérarchie dans la tribu ?

 

Durant l’écriture du roman, il a donné à chaque personnage de la tribu un caractère romanesque. Il a puisé dans ses lectures ethnographiques faites quand il vivait dans le Pacifique. Le fonctionnement de la tribu est culturel du Pacifique, pas d’ici. C’est un fonctionnement très profondément ancré. C’est normal que les chasseurs mangent en premier ; de leur chasse dépend la vie de la tribu. Ce n’est pas choquant, c’est culturel. La vieille a moins d’importance qu’un chasseur. C’est donc elle qu’on envoie au contact de Narcisse, car on ne sait pas s’il est dangereux ou pas.

 

L’anneau arraché ainsi que les vêtements de Narcisse font référence à la naissance par le sang et la nudité. Il ne sait pas parler la langue, il redevient donc un bébé. On lui donne alors une maman qui est la vieille.

 

 

 

A-t-il un premier lecteur ?

 

Dans son cercle privé, il n’y en a pas. Pour François Garde, faire lire à des proches ne sert à rien. Ils disent « c’est bien », mais n’apportent rien. Il faut faire lire par un professionnel, donc l’éditeur.

 

 

 

Est-il satisfait de son travail ?

 

« Oui, beaucoup », répond-il.

 

 

 

Les romans qui restent au fond des tiroirs

 

Il les oublie. Ils ne sont pas bons, il a compris pourquoi. Il ne revient plus dessus ; Son « opus one » c’est Ce qu’il advint du sauvage blanc. Tous les autres après ont été publiés. Les autres, écrits avant, ce sont des ébauches sur lesquelles il ne revient plus.

 

 

 

Son personnage préféré

 

Octave. Narcisse subit, ne bouge pas. Il ne bouge tellement pas, que si ça fonctionne dans le livre, ce sera plus difficile dans une adaptation filmique. Que faire d’un rôle de Narcisse Pelletier trop insipide. Il faut un grand acteur. Le producteur a vu le problème.

 

 

 

Fait-il des fiches profils pour ses personnages ?

 

Non. Mais Dan Brown qu’il a rencontré dans la grande librairie oui. Il n’a pas besoin de ce genre de fiche. Les personnages sont découverts au fur et à mesure du livre par leurs gestes, leurs actions. Le roman n’existe pas avant d’être écrit. C’est quand il raconte par écrit que le roman commence à exister. Il le construit au fur et à mesure. Par exemple, il ne sait pas au départ qu’il va avoir besoin de créer la sœur d’Octave. Quand il écrit, il ne sait pas où il va. Il ne sait pas à l’avance ce qui va se passer. C’est ce qui le pousse à écrire, il n’a pas de fiche sur la trame.

 

 

 

A-t-il craint que cette histoire ne plaise pas au public ?

 

Non. Rien que d’être publié chez Gallimard était une immense fierté. Le livre était bon, publié par Gallimard, c’était fantastique. Le hasard a fait que la rencontre avec le public s’est faite. D’avoir écrit ce roman est une réussite. Le reste suit et ce n’est que du plus.

 

« Quand j’écris mon histoire, à aucun moment je n’écris en pensant à un public éventuel. On écrit pour soi. Il n’y a pas de public. Quand tu ouvres ton livre, c’est toi et moi, les yeux dans les yeux »